LA SOURCE D’EAU CHAUDE DU PÉROTIN

À cheval sur la Meurthe-et-Moselle et la Moselle, à l’Ouest d’Avril, à l’Est de Moyeuvre-Petite, le site du Pérotin, possédait autrefois une source chaude très abondante, qui offrait à l’analyse une grande proportion de matières minérales diverses et dont il a été constaté par des cures plus merveilleuses leur puissante efficacité. Cette source, connue par tous les habitants de la région, avait pour réputation de guérir de nombreux maux. Mais celle-ci a cessé de débiter dans les années 1970. Alors quelle est l’histoire connue de cette source qui débuta en 1909?

AU SOMMAIRE :

La seule source d'eau chaude du Pays-haut

En 1909, près de Moyeuvre-Petite, suite à un sondage foré dans le but de trouver des couches de houille au delà des minerais de fer, un formidable geyser d’eau jaillit du tube de forage, quand celui-ci atteint le gisement d’eau chaude. Les travaux furent alors interrompus. La source a été captée à une profondeur de 956 mètres et son débit était extrêmement fort, de l’ordre de 450 litres à la minute.

C’était la seule source chaude découverte dans tout le bassin industriel de Briey et du Pays-haut. Pourtant, vers 1880, on assiste à une véritable ruée sur les mines de fer en Lorraine. 

Depuis cette date, quantité de sondages et de forages ont été réalisés pour l’extraction de minerai de fer. Même si certains atteignirent 900 mètres de profondeur, toutes les eaux rencontrées étaient froides avec une forte teneur en fer.

La source chaude pendant l'Occupation allemande

En 1914, la source est située en bordure de l’ancienne frontière franco-allemande entre Joeuf et Hayange, au lieu-dit « Pérotin », d’où elle tire son nom. Ainsi, lors de la grande guerre (1914-1918), les troupes d’occupation s’emparent de la source et construisent sur le site du Pérotin un bassin permettant de recueillir l’eau chaude. Le site, étant situé à l’arrière du front, leur servent de camp de repos.

Source chaude du Pérotin
Soldats allemands autour de l'émergence de la Source du Pérotin en 1916 - © Nature et Source Chaude
Bassin d'eau chaude à peine visible et son aménagement extérieur - © Nature et Source Chaude

Pas moins de 600000 soldats et officiers français ont participé à la grande bataille de Lorraine qui s’est déroulée en 1914 et qui a duré près de 45 jours. En face, les troupes allemandes étaient aussi nombreuses.

🏥Le saviez-vous?
Durant la première guerre mondiale, de 1914 à 1918, les blessés étaient accueillis par les stations thermales, dans des hôpitaux militaires construits à la hâte.

Ainsi, lorsqu’on avait échappé à la mort sur les champs de bataille, les stations thermales accueillaient les chairs meurtries. 

Aussi, le souvenir de leur rôle joué pendant ce conflit meurtrier a permis de créer en France la loi du 24 septembre 1919. Celle-ci érige en station hydrominérale toute commune, fraction de commune ou groupe de communes qui possède sur son territoire des sources minérales ou un établissement exploitant une ou plusieurs sources d’eau minérale. Une taxe spéciale, dite taxe de séjour devint obligatoire et compléta les ressources communales. Ainsi, dans une station hydrominérale, plus le nombre de visiteurs est important et plus le montant de la taxe perçu par la commune augmente arithmétiquement.

Un cadre convivial et des eaux bienfaisantes

En 1948, d’après un feuillet de presse issu de l’Almanach de l’Est Républicain, l’eau de la source arrive sous une sorte de coupole (comme en 1914) avant de s’écouler, par une pente naturelle, vers une piscine. L’eau rejoint ensuite un gros ruisseau dénommé Le Conroy, situé à une centaine de mètres.

Coupole de la source chaude du Pérotin
Coupole de la source chaude du Pérotin en 1948
Coupole de la source chaude du Pérotin
Coupole de la source de Pérotin - © Nature et Source Chaude

Ce même journal décrit la piscine d’origine, construit par les troupes d’occupation, comme étant d’une grande vétusté suite à un manque total d’entretien.

Piscine de la source chaude du Pérotin en 1948
Piscine de la source chaude du Pérotin en 1948

Ceci dit, cette simple piscine continuait de profiter de la température agréable (♨️49 degrés à l’émergence) de la source et de ses vertus curatives. Comme l’eau est naturellement chaude, l’eau pouvait être refroidie à ciel ouvert directement dans la piscine. Et le bassin est alimenté à flux continu, sans qu’une partie de l’eau ne soit chauffée ou refroidie artificiellement.

Après 1948, le site va subir quelques travaux d’aménagements et changer légèrement d’aspect dans son cadre verdoyant. Vers 1950, la source a fière allure avec sa margelle de piscine réaménagée. Un bosquet d’arbres n’offre plus ses ombrages (on voit qu’il y a eu des opérations de coupe) et la rend des plus abordables pour les campeurs.

Piscine de la source chaude du Pérotin à Moyeuvre-Petite
Piscine de la source chaude du Pérotin à Moyeuvre-Petite vers 1950 - © Nature et Source Chaude

Tout au long de l’année, la source est un but d’excursion pour les habitants de la région, qui viennent prendre le bon air et la bonne eau, tout en s’offrant une escapade dépaysante. Le site, en pleine forêt de hêtres et de chênes, à l’abri des vents dominants d’Ouest, est comparable à certains coins des Vosges.

Durant la belle saison, cette source suscite la curiosité et ne cesse d’attirer nombre de randonneurs, de campeurs, et de touristes.

Piscine de la source chaude du Pérotin
Cliché (unique) de l'ancienne piscine de la source chaude du Pérotin - © Nature et Source Chaude

En 1910, la source n’est accessible qu’en enjambant le Conroy par une passerelle installée par le Club Vosgien. 

Dans les années 1950, la source est reliée par une bonne route, et offre une occasion de visite aux automobilistes même aux plus pressés. 

Le tarissement de la source

À partir des années 1950, de notables perturbations dans le débit et la température de la source apparaissent. Au début des années 1970, la source se bouche (possible effondrement d’un tuyau). Pendant ses 20 dernières années, la source a connu ses heures de gloire. Malgré l’intérêt de la source, le groupement de communes (Avril, Neufchef, Moyeuvre-petite) qui gère le site peine à s’entendre pour la réalisation d’un nouveau forage. Cela n’échappe pas à Jean Kiffer, maire d’Amnéville (de 1965 à 2011) qui prend tout le monde de court en décidant d’effectuer un forage, mais dans sa ville.

Entre février et avril 1979, un forage supervisé par le BRGM (service géologique national) est réalisé par l’entreprise Infralor Cofor dans le bois de Coulanges à Amnéville. Ce bois est situé à environ 10 km du site du Pérotin. D’une profondeur de 900 mètres, il permit d’atteindre un gisement d’eau chaude (probablement le même que celui de l’ancienne source du Pérotin) avec une forte teneur en fer. Cette source sera nommée source Saint-Eloi, en hommage au saint patron des sidérurgistes.

En février 1980, ces eaux thermales, d’une température de 42°C, distribuent leurs bienfaits à l’aide de deux grosses buses dans la première piscine thermale de Moselle, qui plus est, gratuite. L’installation est encore rudimentaire, avec une piscine hors sol (voir notre article sur  le sol d’une source chaude), toute en métal et d’une dimension de neuf mètres sur quatre. Un cabanon, servant de vestiaire, est accolé à la piscine. 

🎥 Pour voir à quoi ressemblait la piscine, je vous invite à regarder le mini reportage réalisé par France 3 Lorraine : De la source Saint Eloi aux Thermes d’Amnéville.

En 1981, l’autorisation d’exploitation de la source est accordée au propriétaire de la source. Dans la foulée un établissement thermal est construit à Amnéville, mais le projet prend du retard (voir carte pour plus d’informations). Il portera le nom de centre thermal de Saint-Eloi. 2 autres établissements utilisant la même source suivront : Thermapolis (site officiel ici) et la Villa Pompéï.

La fontaine de la source du Pérotin

Sur le site, une fontaine en forme de totem s’élève pour le plaisir des yeux à presque 4 mètres. Cet édicule était déjà présent dans les années 1950 puisque celui-ci a été immortalisé par une élégante famille (voir cliché) qui était présente le même jour près de la piscine (voir cliché plus haut).

Fontaine d'eau chaude du Pérotin
Cliché (unique) de la fontaine d'eau chaude du Pérotin - © Nature et Source Chaude
Fontaine de la source du Pérotin
Fontaine de la source du Pérotin - © Nature et Source Chaude

Sur la plaque commémorative apposée sur la fontaine, il est écrit « Source thermale de Pérotin – Sondage exécuté sous l’autorité de Monsieur VAUDEVILLE, Ingénieur en chef des mines de Nancy… »  Aujourd’hui, cet édicule, qui est dans un sale état, est le seul souvenir visible sur le site.

Nature de l'eau et vertus thérapeutiques

On prêtait à cette source chaude des vertus curatives, notamment pour les affections des voies digestives, de l’estomac, des intestins, de manifestations arthritiques, du rhumatisme, de l’obésité, etc, et certains allaient s’y baigner périodiquement. Tandis que d’autres venaient consommer l’eau sur place ou remplissaient des bouteilles. Néanmoins, l’eau de la source ne manifeste ses propriétés que lorsqu’elle est bue sur place.

Concernant la nature de ces eaux, elles font partie des chlorurées, sodiques, lithinées, ferrugineuses et sulfureuses. D’ailleurs, ces eaux répandaient, à la sortie de terre, une forte odeur d’oeuf pourri liée à la présence d’hydrogène sulfuré. Pour en connaitre davantage sur les propriétés de ce gaz, je vous invite à lire notre article : Nettoyer ses poumons avec des méthodes simples et naturelles.

Enfin, il faut distinguer la source chaude du Pérotin (issue d’un forage de 950 mètres) d’une source chaude naturelle dont les eaux parviennent jusqu’à la surface du sol en emportant le souvenir de toutes les couches géologiques qu’elles traversent (et des micro-organismes qu’elles rencontrent).

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