DOIT-ON MARCHER OU COURIR POUR PRENDRE SOIN DE SA SANTÉ?

L’exercice physique est souvent essentiel dans la recherche d’un mieux-être chez l’homme, notamment pour soutenir la régénération. Ainsi, les bienfaits peuvent être nombreux tant sur le plan physique et mental. Mais aujourd’hui, la multiplication des exercices physiques fait qu’il est parfois difficile de s’y retrouver. La marche peut être vu comme ennuyante, pas assez « explosive », manquant d’intensité ou encore demandant trop de temps. Et pourtant…

Dans cet article, je vous invite à faire un petit tour au coeur de l’être humain en nous intéressant à un organe très particulier : « l’os ». Cet organe est certainement le moins populaire parmi ceux qui paraissent plus évidents tel le foie, l’intestin, la peau, etc. D’ailleurs, ces organes qualifiés « d’émonctoires » font partie des organes majeurs permettant d’éliminer les déchets . 

Mais pourquoi un tel désintérêt pour l’os ? Peut être parce que l’os peut être vu comme un organe inerte, alors qu’il n’en est rien, bien au contraire. Et, plus un os est sollicité correctement, plus les bienfaits qui s’en dégagent peuvent être profonds pour tout l’organisme. Alors quel exercice physique a le plus d’impact sur l’os?

AU SOMMAIRE :

L'os, au coeur de la régénération

Avant toute chose, il faut savoir que l’os est bel et bien vivant. Les structures vivantes de l’os réagissent aux contraintes qu’elles subissent et se renforcent d’autant plus qu’elles sont sollicitées. De plus, l’os renferme, entre autre, la moelle osseuse rouge présente dans les côtes, les os du bassin, du crâne et les vertèbres. C’est principalement à cette moelle rouge que nous allons nous intéresser dans cet article. Bien qu’il existe aussi une moelle osseuse jaune constituée de graisse. D’ailleurs, les deux sont d’une importance essentielle. Dans son ensemble, la moelle osseuse constitue le berceau principal de production de cellules souches du corps, contribuant à la régénération d’un grand nombre de cellules d’un organisme.

La moelle osseuse, principal système de régénération du corps

En quoi celle-ci est importante? Tout simplement parce que les cellules souches issues de la moelle osseuse donnent naissance à l’ensemble des cellules sanguines (globules rouges, plaquettes, globules blancs), aux tissus osseux et aux tissus conjonctifs. Cela contribue de manière significative à la réparation de nombreuses cellules du corps. Cette étude[1] nous permets de nous rendre compte, grâce à quelques chiffres de l’importante activité qui règne au sein de la moelle osseuse. Une personne génère environ 10 milliards de globules blancs, 200 milliards de globules rouges et 400 milliards de plaquettes par jour, et en perds tout autant chaque jour. Par exemple, la rate détruit tout les jours un nombre équivalent de globules rouges.

De plus, d’après une méta-analyse[2] publié en 2003 regroupant plusieurs publications, leurs possibilités de transformations en d’autres cellules (foie, reins, poumons…) pourraient même encore s’élargir. Ainsi, la moelle osseuse formerait le principal système de régénération du corps.

Alors comment l’exercice physique pourrait donner un coup de fouet au sein de la moelle osseuse? D’autant plus que stimuler le renouvellement cellulaire c’est permettre aussi de remplacer ses vieilles cellules par de plus jeunes, bien plus actives.

Deux types d'exercices physiques

Nous allons d’abord nous intéresser ici à deux types d’exercices physiques dont l’impact sur la moelle osseuse peut être très variable.

Les exercices physiques à charge dynamique

La marche est certainement l’exercice qui influence le plus favorablement la stimulation de la moelle osseuse. En effet, lorsqu’une personne marche, les os sont soumis à des contraintes et des stimuli mécaniques spécifiques. Ils doivent supporter pour chaque pas une charge dynamique, c’est à dire le poids de la personne

D’ailleurs, ce poids est également supporté par les os lorsque le corps est soumis à « une foulée » ou « un saut ». Ces mouvements demandent donc de se tenir verticalement sur ses bases (les pieds). D’ailleurs, notre cerveau a tendance à minimiser naturellement l’effort, qu’il est souvent difficile de trouver des ressources pour se tenir simplement debout. Cela constitue une première difficulté. Se tenir debout demande un effort physique, sollicitant muscles et os, qui n’a plus lieu d’être dans nos sociétés modernes. Une fois ce comportement sédentaire levé, le « mouvement », par l’intermédiaire de « l’impact » va permettre de stimuler profondément les os, la moelle osseuse et favoriser la libération de cellules souches.

Une étude[3] parue en 2018 dans le « Journal of Bone and Mineral Research » est la première a démontré que les activités physiques à fort impact permettaient de garder la moelle osseuse plus jeune et moins grasse. Une moelle rouge en bonne santé peut se transformer en moelle jaune ou grasse lorsque la production de cellules souches baisse.

Ces activités à fort impact qui allient « pas », « foulée » ou « saut » vont permettre de construire plus efficacement du tissu osseux et de conserver une moelle osseuse plus jeune.

Une multiplication d'exercices physiques à charge statique

Lorsque le corps est soumis à une activité physique dont la charge est statique, le corps se retrouve généralement sur un support. 

De nos jours, la multiplication d’exercices physiques à charge statique fait qu’il est même possible de combiner différents mouvements en position assise, allongée ou même debout sans même avoir à lever le pied. De nombreuses machines favorisent ainsi le travail des muscles et du système cardiovasculaire tout en préservant les articulations. En revanche ces activités physiques sans impact ne permettent pas de stimuler efficacement les os et donc la moelle osseuse. En effet, cette dernière (moelle osseuse) ne semble pas (ou peu) libérer de cellules souches supplémentaires par rapport au niveau initial de cellules souches en circulation dans le sang comme le démontre l’étude qui va suivre.

D’après une étude[4], l’ampleur de la libération de cellules souches était en fait trop faible chez les participants pour être détectée suite à une épreuve d’aviron, bien que des cytokines aient pu être détecté dans leur sang. Les cytokines sont une réponse apportée par l’organisme lorsque celui-ci est soumis à un stress tel qu’un exercice physique. Il existe une centaine de cytokines, substances secrétées par le système immunitaire. Deux cytokines sont intimement liées au processus de libération de cellules souches de la moelle osseuse et sont appelés « G-CSF » et « Interleukine 6″[5].

Ainsi, le type d’exercice, son intensité, sa durée ou encore la forme physique de la personne semble moduler la libération de certaines cytokines et facteurs de croissance.

"Un homme qui ne marche pas ne laisse pas de traces"

La marche VS le vélo

D’après le « Journal of Bone and Mineral Research », l’étude[3] révèle que les participants ayant une activité physique à charge statique comme le vélo de route avec un volume d’entraînement élevé, avaient une accumulation de tissu adipeux (graisse) de la moelle osseuse similaire à celui du groupe des « sédentaires ». Ces deux groupes avaient même une densité osseuse comparable au niveau des lombaires.

Cela peut s’expliquer par le fait que le vélo (comme l’aviron) reste avant tout un exercice à charge statique où les pieds se retrouvent sur un support (des pédales), ne bougent pas et ne subissent aucun impact pendant l’effort. Ainsi, comme nous l’avons vu, une activité physique sans impact ne permettrait pas de stimuler profondément les os.

Différences entre la marche et la course à pied

Les choses simples sont généralement les plus profondes. Autrefois, les os étaient stimulés quotidiennement, puisque les pieds représentaient un outil de travail indispensable pour de nombreux métiers, si ce n’est la plupart des métiers. L’apparition des premières usines au XIXe siècle a modifié progressivement cette dynamique. À notre époque, la plupart des métiers ne sont plus définis par la marche. De nombreux modes de déplacement ont même permis à l’homme de se passer le plus possible de son mode de locomotion naturel : la marche. Il arrive même que certaines activités physiques, certes bénéfiques tel que la course à pied, viennent chez certaines personnes supplanter la marche pour diverses raisons. Bien que les deux ont ceci en commun : une activité à fort impact.

La marche se différencie néanmoins de la course à pied par le fait qu’au moins un point d’appui reste toujours en contact avec le sol. La contrainte de charge sur la colonne vertébrale est continu et sans excès ce qui permet un stimuli plus équilibré de la moelle osseuse. Le poids de la personne est supporté alternativement par un seul membre permettant aux os d’être soumis à des contraintes spécifiques. Selon la nature du terrain et la vitesse du marcheur, la variation des stimuli et des contraintes spécifiques imposées sur l’ensemble du système osseux et musculaire va stimuler un ensemble de réponses physiologiques variées.

La course à pied demande quant à elle plus d’énergies. Une partie de cette énergie chimique est transformée en renvoi élastique permettant de faire des « bonds ». Elle permet ainsi de s’économiser mais aussi de multiplier par 2 ou 3 l’impact au sol. Chaque kilogramme est donc multiplié par 2 voir plus. Cette charge supplémentaire impose une contrainte de charge sur la colonne vertébrale discontinue et parfois avec excès. Elle est à prendre en compte dans le risque de blessures au niveau des articulations et tendons, bien qu’elle les renforcent en temps normal. La course à pied met également plus de pressions sur vos muscles que la marche et présente un risque de blessures plus élevée.

Ainsi, selon le type d’exercice, les os et les muscles répondent d’une manière anabolique aux stimuli mécaniques spécifiques qu’on leur infligent. Ces stimuli mécaniques et hormonaux sont importants puisqu’ils régulent étroitement le remodelage continuel des os alternant résorption et accrétion.

En conséquence, plus les os sont stimulés d’une certaine manière et plus la moelle osseuse l’est également. Les forces du sol (en réaction à la charge de la personne) transmises sous forme d’ondes sur l’ensemble du système osseux et musculaire diffèrent selon la nature du mouvement et l’attaque au sol du pied. Là encore, le risque de blessures aux pieds sera plus fréquent chez les coureurs dont l’attaque au sol peut parfois manquer de contrôle.

La marche, par quoi commencer?

Bien qu’elle soit moins populaire que la course à pied, la marche avec une intensité modérée peut même parfois présenter des résultats légèrement supérieures. Nous allons voir juste après qu’une pratique régulière est déjà un bon point de départ avant de jouer sur la vitesse, le rythme ou la durée.

La marche et la santé osseuse

Pour introduire cette partie, nous allons étudier quelle est la bonne fréquence de sortie à adopter pour en tirer un maximum de bénéfices.

L’exercice physique est particulièrement important pour la construction des os et pour limiter la perte osseuse. Comme mentionné un peu plus haut dans l’article, les exercices physiques à privilégier sont ceux qui permettent aux os de supporter un poids par l’intermédiaire d’un « pas », d’une « foulée » ou d’un « saut ».

D’après une étude[6] parue dans The American journal of medicine, la densité osseuse et le taux de perte osseuse retrouvées chez des femmes seraient liées à leur pratique quotidienne de la marche. Des femmes ne marchant que 1 mile (1,60 km) par jour avaient une densité osseuse plus élevée que celles marchant sur des distances plus courtes. Ainsi, l’amplitude, la vitesse et la fréquence de charge est importante pour que l’os génère une réponse adaptative à la charge mécanique. Mais ici, la marche sur une distance très courte (1,60 km) et surtout quotidienne s’avère déjà bénéfique sur le tissu osseux, sans que la vitesse ou la fréquence de charge ne soient mentionnées dans l’étude.

La recherche [7] montre qu’une dizaine de minutes par jour de marche rapide (ou modérée) peut réduire aussi le risque de maladies cardio-vasculaires et de cancer.

Il est donc préférable de marcher tout les jours comme nous allons le voir dans le point suivant.

Marche VS course à pied, quelle fréquence par semaine?

La marche pratiquée quotidiennement peut participer au maintien d’une balance favorable entre le taux de régénération et de dégradation. Ainsi, l’idéal serait une production de cellules souches journalière supérieure aux nombres de cellules souches utilisées par le corps. Mais pour cela, le temps de récupération suite à une activité physique devrait être court. 

Prenons le cas extrême d’un marathon[3]. Après un marathon, la moelle osseuse est fortement stimulée mais sur un temps très court (<24h). La production de cellules souches est certes très élevée (x4), mais revient à la normale le lendemain matin. Or, un tel évènement peut nécessiter jusqu’à trois semaines de récupération, et plusieurs jours de repos. Mais, pendant ce temps, la moelle osseuse n’est pas ou peu stimulée (si l’on ne marche pas). Par ailleurs, une telle épreuve peut s’avérer traumatisante pour l’organisme d’où un taux élevé de cellules souches pour réparer de nombreuses lésions. L’os doit se réparer, se densifier et devenir plus solide pour les prochaines sorties. Il s’adapte.

Ainsi, quelque soit l’intensité ou la durée de l’activité physique pratiquée la veille, le taux de production de cellules souches semble revenir à la normale le lendemain matin. L’idéal serait donc de pratiquer une activité physique qui soit possible d’être réitérée tout les jours. La marche remporte le match car il permet non seulement de stimuler la moelle osseuse quotidiennement et en plus il autorise une récupération optimale, ce qui n’est pas toujours le cas avec la course à pied. Ainsi, plus les séances de marche sont rapprochées et plus les bienfaits sont cumulatifs.

Il est donc important de pratiquer un exercice à charge dynamique que vous pouvez faire (si possible) tout les jours et de vous y tenir dans la durée. Outre la production de cellules souches par la moelle osseuse, de très nombreuses molécules protectrices sont sécrétées par l’organisme pendant et après l’effort et n’ont qu’une durée de vie de 24 heures (et même souvent moins) à 48 heures. Une fois que vous êtes habitué à l’exercice, vous pouvez augmenter l’intensité ou encore la durée pour augmenter un peu plus les effets.

L'intensité de la marche

Une étude[8] démontre qu’une marche modérée et une course à pied vigoureuse offrent des résultats similaires sur des pathologies tels que l’hypertension, le cholestérol et le diabète.

Lorsque la pratique de la marche est devenu régulière, il est ensuite possible de potentialiser ses effets en augmentant son intensité, jusqu’à ce que celle-ci se déroule à allure modérée. Le rythme de marche ou encore la nature du terrain sont des leviers particulièrement intéressants pour en maximiser les bienfaits.

Une vitesse à un rythme dynamique de l’ordre de 4 à 5 km à l’heure est recommandée.

L’entraînement en côte est un milieu qui peut également catalyser ses bienfaits. Le relief en plaine ou en montagne est, en règle générale, plus difficile pour la pratique d’une activité physique et demande plus d’efforts. Les terrains inégaux et accidentés affectent plus profondément la moelle osseuse en imposant des contraintes mécaniques plus variées à chaque pas.

Ce type d’environnement accidenté et rude demande souvent plus de motricité et plus de concentration pour le marcheur, surtout lorsque le milieu devient plus minérale. Cette motricité favorise un travail plus global et plus profond du corps.

La durée de la marche

Toujours dans l’étude[6] parue en 2018 dans le « Journal of Bone and Mineral Research » portant sur les activités physiques à fort impact, on retrouve une corrélation significative entre le nombre de kilomètres parcourus par semaine et le taux de graisse retrouvé dans la moelle osseuse.

Ainsi, l’exercice physique longue distance provoque une contrainte de charge plus importante sur la colonne vertébrale provoquant un fort stimuli de la moelle osseuse. Il va donc de soi que plus on marche et plus les bienfaits qui en découlent sont importants.

Une activité physique au grand air

Il est aussi primordial de prendre en compte à la fois l’exercice physique et l’horloge biologique (entre autre). Toutes les cellules souches issues de la moelle osseuse ont un rythme circadien. Elles restent sensibles aux signaux environnementaux reçus par le corps, c’est à dire la lumière. Pour bénéficier pleinement des avantages apportés par l’activité physique, la pratique au grand air est préférable. L’intensité lumineuse en extérieur peut être jusqu’à 100 fois supérieure à un environnement couvert. Ce paramètre n’est pas à prendre à la légère puisque la lumière est comme un nutriment qui agit à tout les niveaux de biologie de l’organisme.

La marche permet de recevoir plus de lumière du jour car on prend plus de temps pour apprécier les choses qui nous entourent.

1. Silva WN, Costa AC, Picoli CC, Rocha BGS, Santos GSP, Costa PAC, Azimnasab-Sorkhabi P, Soltani-Asl M, da Silva RA, Amorim JH, Resende RR, Mintz A, Birbrair A. La cellule souche hématopoïétique s’étire et se déplace dans sa niche de moelle osseuse. Crit Rev Oncol Hematol. 2021 Juillet.

2. Turhan, A.G. 2003. « Plasticité Des Cellules Souches Adultes« . Transfusion Clinique Et Biologique.

3. Daniel L BelavyMatthew J QuittnerNicola D RidgersAdnan ShiekhTimo RantalainenGuy Trudel. Specific Modulation of Vertebral Marrow Adipose Tissue by Physical Activity. 16 janvier 2018.

4. Morici G, Zangla D, Santoro A, Pelosi E, Petrucci E, Gioia M, Bonanno A, Profita M, Bellia V, Testa U, Bonsignore MR. L’exercice supramaximal mobilise les progéniteurs hématopoïétiques et les réticulocytes chez les athlètes. Am J Physiol Regul Integr Comp Physiol. Novembre 2005.

5. Schmidt A, Bierwirth S, Weber S, Platen P, Schinköthe T, Bloch W. L’exercice intensif court augmente l’activité migratoire des cellules souches mésenchymateuses. Mars 2009 

6. B;, Krall EA;Dawson-Hughes. 2023. “Walking Is Related to Bone Density and Rates of Bone Loss.” The American Journal of Medicine. U.S. National Library of Medicine.

7. Garcia, L., Pearce, M., Abbas, A., Mok, A., Strain, T., Ali, S., … Brage, S. (2023). Non-occupational physical activity and risk of cardiovascular disease, cancer and mortality outcomes: a dose–response meta-analysis of large prospective studies

 8. Williams PT, Thompson. Marcher par rapport à la course pour l’hypertension, le cholestérol et la réduction du risque de diabète sucré. Arterioscler Thromb Vasc Biol. Mai 2013.

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